Nous continuons notre série d’interview avec celui de Sébastien Schirck, dont le profil neuroatypique est multiple, étant HP, TSA de type Asperger et en cours de bilan pour un TDAH.
?Il est très important de faire tomber les préjugés et les tabous autour de cette neurodiversité qui fait la richesse humaine et d’oser enfin en parler, de ne pas avoir honte de nos particularités, de montrer aussi que ce qui est pointé comme un handicap, souvent invisible, est aussi une force!
Virginie Bouslama présidente de TypiK’AtypiK
✨« Sébastien, on se connait un peu et je suis ravie que tu aies accepté de témoigner et de partager avec ceux qui nous suivent ton parcours, ton ressenti, ta vision des choses et par ce biais que d’autres personnes puissent se découvrir…
– Peux-tu te présenter en quelques mots…
Seb, 36 ans, marié, 3 enfants, 1 chat, technicien de maintenance, Bricoleur du dimanche.
Je suis curieux et aime apprendre de nouvelles choses, du coup je touche à tout, mais le plus important pour moi c’est ma famille.
– As-tu des enfants?
Oui, 3 et que des neuroatypiques.
Le grand a 9 ans et est TSA HP (mon mini moi avec qui c’est pas toujours évident)…
Une fille de 7 ans TDAH HP, une vrai fusée qui ne s’arrête jamais.
Et le petit dernier 4 ans qui est probablement TSA.
– Quels sont tes centres d’intérêts?
De tout, je m’intéresse à beaucoup de choses, mais principalement à ce qui est technique :
mécanique, je répare mes voitures (et pas que) moi même, l’électronique, photographie, couture, cuisine.
– Je crois savoir que tu es THQI et Autiste Asperger…en cours de diagnostic pour le TDAH…Peux-tu nous dire ce que cela signifie ?
Que je suis un zèbre avec des rayures biens spéciales. Un Haut Potentiel, Autiste Asperger, hyperactif.
Je suis HQI c’est à dire avec un QI élevé, ça ne veut pas dire «intelligent », je ne gagnerai jamais à « Qui veut gagner des millions ».
C’est plutôt une bonne mémoire à court terme, une bonne vision spatiale, une vitesse de traitement plus rapide que la moyenne, une logique mathématique efficace.
Je suis aussi Autiste Asperger (c’est un autiste sans déficience cognitive), ou plutôt dans le « spectre autistique », je suis gêné par la lumière ou le bruit, j’ai du mal à comprendre et à gérer mes émotions.
Et le plus pénible c’est la difficulté avec les codes sociaux… je suis un professionnel du faux pas social.
Le TDAH à été détecté plus tard, c’est une comorbidité du TSA. Le TDAH et le TSA sont souvent associés. Le TDAH me donne ce coté hyperactif, impulsif.
– Comment l’as-tu découvert et quand ?
Suite au diagnostic de TSA de mon grand garçon, beaucoup de similitudes avec lui et vu les difficultés relationnelles que j’ai c’est à ce moment que je me suis posé la question.
S’en est suivi 2 ans de démarches de diagnostic pour en premier déterminer le HQI avec la wais (test de QI), puis le TSA avec une psychiatre spécialisée et plus récemment le TDAH.
Prochainement ce sera le test complet TSA (pour déterminer le « profil ») au centre asperger.
– Qu’est-ce-que cela t’a apporté ?
A mieux comprendre mon fonctionnement, j’ai toujours eu l’impression de me battre contre moi même, aujourd’hui j’apprends les outils pour mieux gérer au quotidien.
Et j’ai un vrai suivi psy, on ne suit pas un autiste de la même manière qu’un neurotypique.
– On parle souvent d’étiquettes quand on évoque les bilans pour le haut potentiel, le TDAH, le TSA…
Penses-tu que ces « étiquettes » t’enferment ?
NON et OUI.
Non car ça apporte des réponses.
Cela permet à l’entourage de mieux comprendre et être plus tolérant.
On apprend à gérer et expliquer sa différence.
Oui car on est vu à travers les clichés, genre « tu ne peut pas être autiste puisque tu parles», on est forcément fan de trains ou génie en math, on est asocial.
– Comment vis-tu avec ton fonctionnement neuroatypique ?
Globalement mal, je garde un boulot max 18 mois, je suis souvent vu comme arrogant ou prétentieux.
Il arrive même que des personnes plaignent ma femme d’être avec un « connard » comme moi.
Tout ça parce que ma communication n’est pas appropriée, que je décode mal les « codes » sociaux, que je communique avec mes émotions.
Ma gestion émotionnelle est mauvaise, les émotions me submergent et je peux avoir des comportements auto-dommageables car « pas dans la norme ».
Le coté HP par contre me permet d’apprendre vite et de faire beaucoup de choses.
Je fabrique presque tout ce dont nos enfants atypiques ont besoin (mobilier adapté, coussin ergonomique,…) et qui est généralement assez cher dans le commerce, ainsi que réparer les jouets qui finissent en miettes.
Le HP a aussi cette soif d’apprendre, en ce moment je reprends l’électronique et la radiocommunication pour passer la licence radio-amateur.
– As-tu réussi à apprivoiser tes différences ?
Pour le moment non. Mais j’ai espoir d’améliorer les choses.
Le problème est surtout que notre comportement, notre manière d’être dérange.
On doit faire semblant d’être « normal » pour être accepté.
– Comment sont-elles perçues et vécues par tes proches ?
Difficilement je pense…
Ma femme comprend ce que je suis et ne me le reproche pas.
Elle fait souvent l’intermédiaire avec les autres.
Mais je sais qu’elle souffre du regard des autres envers moi, de l’image que je donne, ou plutôt de ce que les autres perçoivent.
– Penses-tu que c’est une force ou un handicap au quotidien ?
Triple peine, un handicap en entreprise.
Le HQI fait que je suis en décalage avec les autres , je ne réfléchis pas comme tout le monde.
Le TSA fait que je perçoit le monde différemment et me comporte « mal » suivant les circonstances.
Le TDAH fait qu’il m’arrive d’oublier des choses importantes et que je suis impatient.
La seule force c’est que mes intérêts restreints et ma curiosité sont dans le domaine technique et donc, directement, mon métier.
Ça fait de moi un bon technicien, mais le coté « ingérable » fait que je suis vu comme un risque.
Dans le cercle familial c’est mitigé.
D’un coté j’ai du mal à gérer les crises des enfants (tsa), mais en même temps je suis bien placé pour le comprendre et leur apporter ce dont ils ont besoin.
Le truc cool d’être atypique c’est que, sachant faire plein de choses, on évite pleins de frais. Les voitures ne vont pas au garage, l’électroménager dure longtemps car je le répare. Et les enfants peuvent avoir plein de choses personnalisées.
– As-tu une RQTH ?
Oui, mais pour le moment ça ne m’a servi a rien. Peu d’entreprises s’en servent pour l’intégration, au mieux ça leur sert à avoir le « quota » d’handicapés.
– Es-tu suivi ? sous traitement médicamenteux ?
Suivi psy, qui me permet de mieux comprendre les neurotypiques, décrypter les éléments que j’ai raté, m’expliquer les réactions des autres que je ne comprends pas.
Médicaments pas vraiment, je réagis mal aux antidépresseurs/anxiolytiques et autres, j’ai plutôt droit aux effest secondaires mais pas à l’effet voulu.
Ce qui fait que lors de dépression les médicaments aggravent plutôt que d’aider (réaction qui arrivent chez les TSA /TDAH)
Seule la mélatonine fonctionne (dans la version pure), ça m’aide à réguler mon sommeil.
– Que penses-tu de notre vision en France par rapport à ces particularités qui sont classées dans des troubles psychiques pour le TSA et le TDAH ?
On est beaucoup vu comme des « dérangés », « mal élevés », je le remarque en entreprise ou on doit tous être pareil.
Quand on fonctionne différemment on vous le fait remarquer, puis on vous le reproche et ça va jusqu’au licenciement.
On est encore loin de l’inclusion.
Et on fait de l’intégration en entreprise par obligation administrative!
Les médias et le cinéma n’aident pas non plus, l’autisme est souvent présenté dans sa forme la plus sévère, ou plutôt la plus visible, l’autisme de Kanner (avec déficience cognitive).
Du coup pour beaucoup de gens, un autiste c’est un gamin qui cri.
Quand un personnage de film a un profil Asperger on ne pale jamais d’autisme, qui sait que Dr House, Scherlock Holmes ou le Dr Brennan dans « Bones » sont des Asperger?
Là encore on les présente comme des génies.
Quand je dis que je suis autiste on ne me croit pas, et quand je fait une crise je passe pour un mauvais salarié/père /mari.
Mes enfants savent pour moi et on en discute, mon fils est aussi TSA et on progresse ensemble.
Le TSA est un spectre, il comporte plusieurs troubles (comportement, compréhension, langage, sensoriel, motricité,…), il n’y a pas 2 autistes pareils, chacun a plusieurs de ces troubles, mais pas forcément les mêmes ni avec la même intensité et ça, peu de gens le savent.
Heureusement les mentalités commencent à changer, mais c’est très lent.
Un trisomique sera plus facilement accepté, c’est un handicap visible, qui apporte une certaine sympathie.
Un autiste de Kanner sera vu comme un gosse mal élevé qui fait sa crise.
Et alors nous on est « froids » et direct du coup on a droit au rejet.
– Quels sont tes rêves ?
Un monde plus tolérant.
On n’aurait pas besoin de « faire comme les autres».
Pouvoir vivre/travailler sans me soucier de ce que les autres perçoivent ou plutôt imaginent. Ce n’est pas parce que je suis «froid » et ai l’air sévère que je bats mes enfants.
Les gens ne se rendent pas compte à quel point un autiste peut aimer.
– Y-a-t-il quelque chose que tu voudrais changer ?
L’être humain, le rende un peu plus ……….. « humain ».
– Que tu voudrais transmettre ?
Le handicap c’est pas juste un fauteuil roulant.
C’est aussi cet homme/cette femme qui panique dans la foule.
Qui ne répond pas face au stress ou a une réaction excessive.
Qui souffre en silence face aux jugements des autres.
Le handicap n’est pas contagieux. Le bonheur par contre oui. »
Catégories : Témoignages

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